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L’engrenage du polar


Scarface Rapide de préférence, la voiture est, avec le flingue et la sulfateuse, l’accessoire incontournable du film noir. Déjà en 1931, le sémillant journaliste Rouletabille mène l’enquête au volant d’un superbe roadster dans « Le parfum de la dame en noir » de Marcel L’Herbier. L’année suivante, Howard Hawks filme les premières scènes de mitraillage automobile dans le mythique « Scarface », avec Paul Muni et George Raft. Ce dernier acteur, spécialiste des rôles de gangster à l’époque, deviendra huit ans plus tard le frère d’Humphrey Bogart dans « They ‘drive by night ». Titré, avec beaucoup de fidélité, « Une femme dangereuse » par les distributeurs français, le film de Raoul Walsh se déroule dans l’univers des transporteurs routiers. Epuisé par une longue étape, Bogart est victime d’un accident après s’être endormi au volant. Le ressort dramatique du film se ‘détend lorsque le spectateur médusé apprend qu’il doit être amputé d’un bras. En 46, Boggie a atteint une trop tardive consécration. Il interprète le détective Marlowe dans « Le grand sommeil » d’Howard Hawks. Le réalisateur aime les belles voitures et décore son film de somptueux modèles qui mettent en valeur les charmes de Lauren Bacall, épouse d’Humphrey Bogart depuis peu. Retour à Paris quatre ans plus tard, où Jean-Pierre Melville tourne « Bob le flambeur », premier d’une riche série de films policiers en avance sur leur époque. Entre la place Clichy et la Normandie, Bob cogite le casse du casino de Deauville au volant d’un méga-cabriolet américain. Melville aime l’exotisme automobile, d’autres réalisateurs français ne partage nt pas ses goûts, comme Gilles Grangier.

 

Le rouge est misEn 57, pour « Le rouge est mis », où il dirige le duo Gabin-Ventura, pas une étrangère n’est conviée aux courses-poursuites. Et c’est sur une banquette arrière de Traction Avant que Paul Frankeur reçoit la bastos définitive, annonciatrice du générique de fin. A la même époque mais sur un autre continent, Alfred Hitchcock, maître du suspense, organise une mémorable tentative d’assassinat, maquillée en accident de la route, dans « La mort aux trousses ». Cary Grant, dans le rôle de l’innocent manipulé par le FBI, est soûlé de force par les vilains hommes de mains d’un diabolique James Mason. On l’installe, à demi-inconscient, dans son cabriolet au sommet d’une route de ‘montagne. La voiture dévale la pente, mais Grant, malgré son état déplorable et l’obscurité qui règne, parvient toutefois à éviter le précipice. Histoire de pouvoir, plus loin dans le film, enlacer Eva Marie Saint dans un train-couchettes. La décennie 60 est un excellent cru pour les auto-cinéphiles. En 64 d’abord, le film d’espionnage offre au cinéma sa première star mécanique : l’Aston DB5 confiée à James Connery Bond dans « Goldfinger ». Puis survient Steve McQueen au volant de sa Ford Mustang dans « Bullitt ». Peter Yates, réalisateur de ce film en 69, avait été le racing manager de Stirling Moss, de Peter Collins et d’autres pilotes avant d’embrasser le 7e art. Sa passion du sport. automobile explique sans doute l’extrême soin qui fut apporté au tournage des scènes de poursuite dans les montagnes russes de San Francisco. Carey Lof-tin, cascadeur légendaire, chargé .de mettre au point le ballet, avait spécialement renforcé deux Mustang pour le tournage. Travail ingrat lorsque l’on connaît la fâcheuse tendance qu’avaient ces modèles à se plier au moindre bond. Lorsque l’on revoit les figures réalisées dans « Bullitt », on comprend mieux pourquoi 3 000 dollars de travaux furent nécessaires à la seule rigidification d’une des Mustang. Un an plus tard, au volant d’un modèle identique, Jean Yanne, devenu garagiste pas net, tuait accidentellement le fils de Michel Dubhaussoy au début de « Que la bête meure » de Claude Chabrol. A la suite de « Bullitt », tous les films policiers pri-vilégiant l’action se fendi-rent de quelques séquen-ces d’acrobatie automo-bile. Parmi Les plus réus-sies aux USA, celle de « French connection », tourné par William Friedkin en 1972. Gene Hackman — oscarisé pour son interpré-tation de l’inspecteur Po-peye Doyle — y livrait une course folle avec un métro aérien pour rattraper Fer-nando — dealer — Ray. En France, la plus « bullit-tienne » des scènes de po-lar fut l’ceuvre du casca-deur Rémy Julienne. Elle était censée opposer Omar Sharif à Jean-Paul Belmon-do (au volant d’une Fiat 124 Spécial T) dans « Le casse » d’Henri Verneuil, en 1971.

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